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L’épicondylalgie latérale

L’épicondylite latérale (ou plutôt épicondylalgie latérale ou encore tennis elbow) a été décrite pour la première fois dans la littérature anglaise au 19ème siècle par Runge (Runge, 1873).  Ça date ! Il la décrivait comme une dégénérescence symptomatique chronique de l’attache du tendon des muscles extenseurs du poignet au niveau de l’épicondyle latéral de l’humérus.

La physiopathologie de l’épicondylalgie latérale

C’est l’un des syndromes de sur-sollicitation (on définira ce qu’est la sur-sollicitation selon nous plus tard) les plus courants en rééducation. 1 à 3 % de la population serait touchée, et principalement les personnes entre 20 et 50 ans, avec autant de femmes que d’hommes selon (Smidt, 2006). L’incapacité liée à la douleur et les arrêts de travail en lien avec cette pathologie peuvent être très importants (Kurrpa, 1991 ; Silverstein, 1995).

Malgré les progrès réalisés dans le traitement de l’épicondylalgie latérale, il manque encore des normes de rééducation claires.

Dans la plupart des cas, cela guérit lentement, mais l’histoire naturelle de la pathologie est positive. Jusqu’à 80 % des cas guérissent en un an (Bisset, 2006).

Mais, la rééducation peut clairement accélérer ce processus lorsqu’elle est bien réalisée !

L’étiologie exacte de l’épicondylalgie latérale n’est pas encore bien identifiée. Cependant, elle est souvent associée à une sur-sollicitation des muscles responsables de la préhension, de l’extension du poignet, et de la supination de l’avant-bras (Eygendaal, 2007 ; Lee, 2013). Le court extenseur radial du carpe semble être le muscle le plus fréquemment atteint, mais c’est à prendre avec des pincettes. Les autres muscles extenseurs du poignet sont également fréquemment touchés.

L’épicondylalgie latérale était à l’origine considérée comme un processus inflammatoire, en particulier dans ses phases initiales. En effet, d’un point de vue physiologique, des microtraumatismes répétés qui résultent d’une surcharge ou d’une surutilisation peuvent provoquer une atteinte des fibres de collagène et ensuite l’activation du système immunitaire pour créer une inflammation locale protectrice (Bishai, 2006). Cependant, des études histopathologiques ont montré l’absence de cellules inflammatoires dans les biopsies des épicondylalgies chroniques (Kannus, 1991 ; Kraushaar, 1999).

Donc, en gros, si ta douleur dure depuis plus de 3 mois, il y a peu de chances que les tendons soient réellement inflammés. Le fait que tu aies mal ne veut pas dire que le tissu en lien est inflammatoire. De nombreuses preuves identifient plutôt ce problème comme une tendinose, un processus dégénératif symptomatique caractérisé par un développement important du réseau vasculaire au niveau des tissus douloureux et du collagène déstructuré. Bon, pas mal de termes complexes, mais il y aurait une modification tissulaire réelle, sans inflammation majeure (Ma, 2020).

L’évaluation

La plupart des cas d’épicondylalgie latérale peuvent être cliniquement confirmés par une bonne anamnèse associée à un bon examen physique.

Lors de l’anamnèse, on va chercher à savoir si la profession est à risque (gestes répétitifs), connaitre la dominance de la main, les comportements et les habitudes quotidiennes vis-à-vis de cette douleur, la durée des symptômes (pour savoir la pathologie est chronique ou pas) et les facteurs aggravants (hygiène de vie globale).

Certains tests peuvent être pertinents pour l’examen clinique : la résistance à l’extension du poignet (coude tendu et en pronation) semble être ce qui reproduit le plus souvent la douleur (Hsu, 2012).

D’autres tests « spéciaux » (qui n’ont de spéciaux que leur nom) sont parfois utilisés, comme le test de la chaise (le patient soulève une chaise avec l’épaule en adduction, les coudes tendus et les avant-bras en pronation, et on cherche à reproduire les symptômes), et le test de Mill (étirement passif des extenseurs par l’examinateur, censé reproduire les symptômes).

La faiblesse de la force de préhension est également considérée comme un test intéressant. On retrouverait dans 83% des cas une faiblesse par rapport au côté sain (Dorf, 2007).

Les imageries ne sont pas réellement d’une grande aide sur ce genre de pathologies.

Les différents stades et phases de l’épicondylalgie latérale selon (Ma, 2020)

Le diagnostic différentiel

Toute douleur à ce niveau ne veut pas absolument dire qu’on est face à une épicondylalgie latérale (Buchanan, 2022).

Il faudra bien exclure toutes les autres pathologies qui peuvent « mimer » ce genre de douleurs, à savoir les plus fréquentes :

  • Radiculopathie cervicale (évaluer le rachis cervical de manière classique)
  • Bursite au niveau du coude (l’imagerie peut être pertinente)
  • Syndrome canalaire (évaluer la mécanosensibilité du tissu nerveux)

Les traitements

Dans la plupart des cas, un traitement non opératoire peut résoudre significativement l’épicondylalgie latérale (dans 90 % des cas en réalité). La littérature est assez claire à ce sujet selon (Hay, 1999 ; Hoogvliet, 2013).

Que comprend un « traitement non opératoire » ?

  • Modification de l’activité (modifier les contraintes relatives sur les tissus douloureux : ne pas en faire trop, mais ne pas « rien faire » non plus)
  • Rééducation : les exercices de renforcement musculaire des extenseurs du poignet semblent être la meilleure modalité de traitement par rapport à toutes les autres (Bisset, 2015 ; Coombes, 2015 ; Dingemanse, 2014 ; Sims, 2014 ; Weber, 2015)
  • Médicaments si besoin

La rééducation de l’épicondylalgie latérale

Les exercices de renforcement des extenseurs semblent importants.

On vous conseille de commencer par désensibiliser la zone avec de l’isométrie : 10 séries de 5 secondes ON / 5 secondes OFF à 50% de votre maximale, à répéter 5 à 10 fois par jour (et oui, on met un gros volume mais peu d’intensité).

On peut progresser vers cet exercice en dynamique, avec 3 à 5 séries de 12 répétitions en TEMPO 4040 (8 secondes par répétition) à une charge légère.

On passera ensuite progressivement vers des séries de 8 répétitions avec une charge plus élevée en TEMPO 2020.

Renforcement des muscles extenseurs du poignet

Le renforcement des muscles supinateurs semble aussi pertinent.

On peut débuter avec un travail à l’élastique léger avec 3 à 5 séries plutôt longues, jusqu’à 20 répétitions.

Ensuite, on passera à un travail avec de la fonte (attention à bien utiliser l’haltère) avec 3 à 5 séries plus courtes, de 8 à 12 répétitions.

Renforcement des muscles supinateurs

Et pour finir, on réintégrera tout cela avec des exercices plus globaux, faisant aussi intervenir le grip (nous avons vu ensemble que la force de préhension était souvent diminuée suite à ce genre de douleurs), comme du farmer walk ou de la suspension à la barre pour les plus avancés. Augmentez progressivement le temps sous tension, et tout se passera bien !

Conclusion

L’épicondylalgie latérale n’est pas une pathologie grave, mais elle peut être très handicapante, et bien souvent chronique. La rééducation bien menée, en se basant sur la remise en charge progressive des tissus douloureux (et non pas inflammés comme nous l’avons vu ensemble) avec du renforcement musculaire progressif et intelligent allié à une gestion des contraintes cadrée, semble accélérer la guérison.

Thomas Benayoun, Kinésithérapeute du Sport et Préparateur Physique

Bibliographie

  • Ma KL, Wang HQ. Management of Lateral Epicondylitis: A Narrative Literature Review. Pain Res Manag. 2020.
  • F. Runge, “Zur Genese und Behandlung des schreibe Kranfes,” Bed Klin Worchenschr, vol. 10, pp. 245–248, 1873.
  • N. Smidt and D. A. van der Windt, “Tennis elbow in primary care,” BMJ, vol. 333, pp. 927-928, 2006.
  • K. Kurppa, E. Viikari-Juntura, E. Kuosma, M. Huuskonen, and P. Kivi, “Incidence of tenosynovitis or peritendinitis and epicondylitis in a meatprocessing factory,” Scandinavian Journal of Work, Environment & Health, vol. 17, no. 1, pp. 32–37, 1991.
  • B. Silverstein, E. Welp, N. Nelson, and J. Kalat, “Claims incidence of work-related disorders of the upper extremities: Washington state, 1987 through 1995,” American Journal of Public Health, vol. 88, no. 12, pp. 1827–1833, 1998.
  • L. Bisset, E. Beller, and G. Jull, “Mobilisation with movement and exercise, corticosteroid injection,or wait and see for tennis elbow: randomised trial,” BMJ, vol. 333, no. 7575, pp. 939–941, 2006.
  • D. Eygendaal, F. T. G. Rahussen, and R. L. Diercks, “Bio- mechanics of the elbow joint in tennis players and relation to pathology,” British Journal of Sports Medicine, vol. 41, no. 11, pp. 820–823, 2007.
  • H. S. Lee, H. Y. Park, and J. O. Yoon, “Musicians’ medicine: musculoskeletal problems in string players,” Clinics in Or- thopedic Surgery, vol. 5, no. 3, pp. 155–160, 2013.
  • L. M. Bisset and B. Vicenzino, “Physiotherapy management of lateral epicondylalgia,” Journal of Physiotherapy, vol. 61, no. 4, pp. 174–181, 2015.
  • B. K. Coombes, L. Bisset, and B. Vicenzino, “Management of lateral elbow tendinopathy: one size does not fit all,” Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, vol. 45, no. 11, pp. 938–949, 2015.
  • S. E. G. Sims, K. Miller, J. C. Elfar et al., “Non-surgical treatment of lateral epicondylitis: a systematic review of randomized controlled trials,” HAND, vol. 9, no. 4, pp. 419–446, 2014.
  • R. Dingemanse, M. Randsdorp, B. W. Koes, and B. M. A. Huisstede, “Evidence for the effectiveness of elec- trophysical modalities for treatment of medial and lateral epicondylitis: a systematic review,” British Journal of Sports Medicine, vol. 48, no. 12, pp. 957–965, 2014.
  • C. Weber, V. Thai, K. Neuheuser, K. Groover, and O. Christ, “Efficacy of physical therapy for the treatment of lateral epicondylitis: a meta-analysis,” BMC Musculoskeletal Dis- orders, vol. 16, no. 1, p. 223, 2015.
  • Buchanan BK, Varacallo M. Tennis Elbow. 2022.
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