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La proprioception : comprendre son importance en kinésithérapie

On parle souvent de proprioception en rééducation.

L’exemple classique est l’entorse de cheville. On dit très fréquemment à nos patients, en fin de rééducation (d’ailleurs, pourquoi fait-on ce travail uniquement en fin de rééducation ?) : « on va bosser la proprioception pour éviter les récidives ».

Ok, pourquoi pas.

Mais avant de travailler la proprioception, il faudrait comprendre à quoi elle correspond, non ?

C’est quoi la proprioception ?

Définition de la proprioception :

La proprioception est la capacité du corps à percevoir sa propre position dans l’espace, ainsi que la force et le mouvement des différentes parties du corps. Elle est souvent décrite comme le « sixième sens », car elle englobe des informations qui ne sont pas directement liées à nos cinq sens traditionnels (vue, ouïe, toucher, goût et odorat). Cette perception interne permet de coordonner les mouvements, de maintenir l’équilibre et de réaliser des activités motrices complexes sans avoir à constamment observer chaque partie de notre corps.

C’est « inconscient » si on peut dire ça.

D’un point de vue physiologique, la proprioception est une information (un signal), une dépolarisation qui circule dans le système nerveux et qui provient d’un mécanorécepteur. Chaque fois qu’un signal provient d’un mécanorécepteur, cela concourt à la proprioception.

Pour faire simple : imaginez que vous fermez les yeux et que vous levez un bras. Même sans regarder, vous savez exactement où se trouve votre bras et comment il est positionné. Comment est-ce possible ? Bah… grâce à la proprioception !

Au sein de nos tissus (muscles, tendons, capsules articulaires, ligaments…) se trouvent de petits capteurs appelés mécanorécepteurs. Ces capteurs sont comme de minuscules antennes qui captent des informations sur la position de nos membres, leur mouvement, et la force que nous exerçons sur nos articulations. Ils envoient ensuite ces informations à notre cerveau.

Quand vous bougez, ces antennes « informent » le cerveau sur ce qui se passe. Par exemple, si vous commencez à perdre l’équilibre, ces capteurs envoient un signal d’alerte rapide au cerveau, qui répond en ajustant votre posture ou en déclenchant un mouvement pour vous empêcher de tomber.

Mais pour l’équilibre, il n’y a pas que le système proprioceptif qui nous aide. Il y a aussi le système vestibulaire entre autres. Donc ne résumez pas la proprioception à l’équilibre.

En physique, l’équilibre est l’annulation des forces qui s’exercent sur un système, le mettant dans un état de repos. D’un point de vue mécanique, l’équilibre est la capacité à maintenir la projection du centre de gravité à l’intérieur du polygone de sustentation.

La proprioception est donc comme un super-pouvoir caché qui nous aide à bouger en toute sécurité et efficacement, même quand nous ne regardons pas ce que nous faisons !

Pourquoi chaque kinésithérapeute devrait comprendre et intégrer la proprioception dans sa pratique ?

Avant de répondre à cette question, il est important de comprendre le rôle des mécanorécepteurs.

Les mécanorécepteurs et leur rôle dans la proprioception :

Comme expliqué précédemment, la proprioception est initiée par une série de mécanorécepteurs qui détectent les changements mécaniques dans les tissus. Ces récepteurs contribuent à notre perception de la position et du mouvement des membres, de la force produite sur ces tissus et de la perception d’étirement.

Fuseaux neuromusculaires :

Situés dans les muscles, ils détectent la longueur (et la vitesse de changement de cette longueur) du muscle. Ils sont particulièrement sensibles à l’étirement rapide d’un muscle, initiant un réflexe qui contracte ce muscle (réflexe myotatique) pour prévenir des dommages potentiels dus à un sur-étirement.

Organes tendineux de Golgi :

Ils se trouvent à la jonction du muscle et du tendon. Ces récepteurs détectent la tension ou la force de contraction musculaire. Lorsqu’une tension excessive est détectée, ils peuvent initier un réflexe pour inhiber la contraction musculaire, contribuant ainsi à protéger les muscles et tendons contre les dommages dus à une trop grosse tension.

Récepteurs articulaires :

Ils se trouvent dans les capsules articulaires et les ligaments. Ces récepteurs répondent aux stimuli mécaniques tels que la pression et l’accélération ou la décélération, fournissant des informations sur la position et le mouvement des articulations.

Par exemple, les récepteurs de Ruffini sont sensibles à la direction et à l’amplitude du mouvement.

Les corpuscules de Pacini détectent les changements rapides de position articulaire.

Corpuscules de Meissner et de Pacini :

Ils se trouvent dans différents tissus comme les aponévroses ou la peau. Bien qu’ils soient principalement associés à la sensation tactile, ces mécanorécepteurs peuvent également contribuer à la proprioception, en particulier lors de la manipulation d’objets ou lors de mouvements impliquant une interaction directe avec l’environnement, et une certaine pression sur le tissu.

Vu que chacun de ces mécanorécepteurs joue un rôle unique dans la fourniture d’informations au système nerveux central concernant la position, le mouvement et les changements de contraintes sur les tissus, ils permettent ensemble une régulation et une coordination précises des mouvements et de la position du corps.

Les afférences (message engendré au niveau périphérique et transmis jusqu’au cerveau) et les efférences (message généré par le cerveau vers la périphérie) sont indissociables. Le traitement des afférences par le système nerveux central est influencé par les efférences.

La proprioception influence donc la douleur, la fatigue, l’effort, le poids ressenti sur les exercices… et cela nous amène donc logiquement à notre prochaine partie.

Les lésions tissulaires suite à une blessure :

Prenons un exemple simple. Tu te fais une entorse de la cheville. Allez, encore plus parlant, en inversion. Ton ligament collatéral latéral est plus ou moins abimé.

Comme on vient de le voir, ton ligament contient des mécanorécepteurs.

Vu qu’il est abimé, tu te doutes bien que les mécanorécepteurs qu’il contient sont eux aussi dans un état variable !

Donc, évidemment, leur capacité proprioceptive est altérée ! Et une lésion des mécanorécepteurs (labrum, capsule, ligaments, muscles) diminue le contrôle du mouvement, et peut chroniciser les mécanismes pathologiques.

Il va donc falloir réentraîner ces mécanorécepteurs, et tout le système proprioceptif, pour qu’il informe correctement ton système nerveux et ton cerveau sur le positionnement articulaire… Bref, il faut réentraîner la proprioception !

Mais pour entrainer… il faut évaluer, pour savoir si la qualité physique est déficitaire. Et oui, si quelqu’un est fort, tu ne vas pas forcément chercher à le rendre plus fort. Pareil pour la proprioception, si elle ne semble pas altérée… pourquoi la travailler ? La réciproque est évidemment vraie aussi.

Bref, comment évaluer la proprioception pour savoir si nous avons un intérêt à la travailler ?

Tests et évaluations proprioceptives :

Le JPS (Joint Position Sense) est un test couramment utilisé pour évaluer la proprioception, en particulier la capacité d’un individu à percevoir la position d’une articulation dans l’espace sans l’utilisation de la vision.

Le terme « Joint Position Sense » se réfère à la capacité de reconnaître la position d’une articulation dans l’espace (logique).

Procédure d’évaluation du JPS :

1. L’individu est placé dans une position initiale, souvent avec l’articulation à un angle spécifique.

2. Le thérapeute (ou un appareil) déplace passivement l’articulation vers une nouvelle position.

3. L’articulation est ramenée à la position de départ.

4. L’individu est ensuite invité à reproduire activement la position ciblée sans l’aide de la vision.

5. La différence entre la position cible et la position reproduite par l’individu est mesurée.

Cette différence donne une indication de la précision proprioceptive fine à prédominance de positionnement articulaire de l’individu.

Les tests JPS (Joint Position Sense) actifs ou passifs permettent d’évaluer l’acuité proprioceptive, et ce sont les tests avec la plus grande prédominance proprioceptive à type de « finesse » de mouvement. Les études qui évaluent ces tests utilisent la plupart du temps des dynamomètres isocinétiques, des inclinomètres, des goniomètres, parfois des smartphones et souvent du matériel créé spécialement pour l’étude.

Pour l’épaule, le plus fiable est le test de JPS en RM/RL en position d’armé, et en passif (Ager, 2017). La plus petite fiabilité est celle du goniomètre (ICC=0,6).

D’autres tests, tels que l’évaluation du sens du mouvement ou de la force, peuvent également être nécessaires pour obtenir une image complète de la proprioception d’un individu.

Car la proprioception, comme nous l’avons vu est une qualité physique large, qui peut être à prédominance de finesse (comme pour l’acuité proprioceptive), ou de force (comme sur un test de force maximale qui demande un minimum de proprioception aussi).

Et n’oubliez pas que les efférences influencent les afférences…

Conclusion

La proprioception est une qualité physique et un phénomène qui a lieu constamment dans notre organisme. Et l’entrainer ne veut pas dire « sauter sur un Bosu® ».

Il est primordial d’évaluer la proprioception de nos patients suite à une blessure ou à des douleurs (et oui, ce n’est pas la même chose), pour savoir si nous devons la rééduquer… ou pas !

Pour aller plus loin, nos formations sur les pathologies les plus couramment retrouvées au cabinet sont disponible en elearning en cliquant ici : https://school.training-therapie.fr

Bibliographie

Ager AL, Roy JS, Roos M, Belley AF, Cools A, Hébert LJ. Shoulder proprioception: How is it measured and is it reliable? A systematic review. J Hand Ther. 2017 Apr-Jun;30(2):221-231. doi: 10.1016/j.jht.2017.05.003. PMID: 28641738.

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