Salut mon petit pote !
Sur les réseaux, une guerre des tranchées fait rage depuis des mois (voire des années) : les pro Hands-on d’un côté, les pros Hands-off de l’autre.
La question qui fait débat est simple : faut-il toucher les patients, oui ou non ?
La réponse l’est beaucoup moins si on en croit les discussions interminables à la limite du pugilat, les commentaires de commentaires de commentaires sur Facebook et les GIF de Michaël mangeant du pop-corn ou encore les remontrances des modérateurs.
La bataille fait rage : on se bat à grands coups de théories ancestrales, d’articles scientifiques, de respect de la tradition de la profession, d’efficacité avérée… Bref, chacun prêche pour sa propre paroisse (et ses propres croyances) dans un vacarme infernal qui ferait peur à Vladimir Poutine (c’est la seule allusion que je ferai de lui dans cet article, je dois prendre l’avion bientôt et j’aimerai atterrir sans trop de turbulences).
Mais ne faudrait-il pas demander aux principaux concernés, c’est-à-dire aux patients, pour retrouver un peu de paix dans ce monde de brutes ?
Faut-il toucher les patients ?
Roulements de tambour, Messieurs-Dames… Sachez d’abord que les patients nous aiment, nous, les kinés. Ils kiffent ce qu’on leur propose, ils adorent venir nous voir ! Qu’on leur parle de la météo caniculaire ou qu’on les fasse transpirer comme Rafael Nadal sur un court de tennis en plein cagnard, c’est pareil.
Selon un sondage effectué par Odoxa sur 996 français, 92% d’entre eux ont en effet une bonne opinion des kinés. C’est déjà un bon début !
Plus scientifique, dans la revue de littérature de 2010, Hush et al. rapportent une note de satisfaction des patients de 4,44/5. Ce qui, attention au gros calcul, fait presque 18/20 ! Maman va être fière de toi quand tu vas lui dire ça au goûter, devant les Minikeums.
La profession de kiné a de beaux jours devant elle, donc (sauf si les politiques considèrent qu’on ne sert à rien et que la Sécu finisse, par ricochet, par décider de nous rémunérer à coups de pied au cul).
Ok, mais pourquoi sont-ils amoureux et qu’aiment-ils exactement ? Le sacro-saint massage ou les squats, le thrust ou les rotations latérales d’épaule à l’élastique, les mobilisations de cheville ou les exercices sur le Bosu® ?
Quelle est la meilleure thérapie pour les patients ?
Si on en croit le papier de Salian et al. (2015), la thérapie manuelle arrive en tête des traitements préférés des patients. Derrière ce terme, on regroupe toutes les formes de thérapies par le touché. Que ce soient des manipulations, des mobilisations ou des massages. La thérapie manuelle monte ainsi sur la première marche du podium, en devançant les exercices physiques.
Clôture du débat, fin du game : sortons le champagne et offrons-le aux membres de la team Hands-on, qu’ils aspergent avec violence ou dédain les losers de la team Hands-off.
Sauf que… Attends un peu avant de faire péter le bouchon, de te mettre tout prêt du visage de ton collègue et de lui hurler “ALORS, C’EST QUI QU’AVAIT RAISON DEPUIS LE DÉBUT ?!” car l’étude évoquée n’est pas franchement inattaquable, comme argument. Premièrement, elle a été réalisée en Inde, dans un contexte sans doute différent du nôtre. Ensuite, les patients étaient au nombre de 200. Surtout, la durée moyenne de la douleur moyenne était de 5 ans… Ça commence à être de la bonne chronicité, là !
En réalité, on ne sait pas ici ce qu’il se cache derrière l’expression “thérapie manuelle” ni quels exercices composaient le programme actif. Et le détail le plus important réside dans le fait que le programme d’exercices était à faire à domicile, ce qui change absolument tout dans la comparaison des deux méthodes. Parce que selon Hush, ce qui importe le plus ne sont pas les soins prodigués, mais le thérapeute.
Comment satisfaire le patient ?
C’est bien simple : avant toute chose, la satisfaction du patient passe par sa relation avec le thérapeute. Si ce dernier présente bien, se montre à l’écoute, disponible et professionnel, alors le patient peut le suivre jusqu’au bout du monde. Comme toi quand tu vas au bar, tu as davantage de chances de trouver ta bière bonne si tu la vides avec ton meilleur pote plutôt qu’avec le dernier des cons.
Bien sûr, les croyances et préférences du patient entrent dans la balance. Nous en avons tous fait l’expérience, pas toujours heureuse d’ailleurs. Mais un professionnel qui se montre aimable et accessible aura de plus fortes probabilités de créer une véritable love story, qui fera oublier au patient tous ses préjugés. Pas la peine de te mettre en costard et de le demander en mariage, mais être sympa change tout. Bref, l’interaction entre le patient et le soignant est capitale.
Le processus de soins l’est également, plus que le soin lui-même : si le patient se sent considéré, écouté et impliqué dans le choix des soins promulgués, alors la satisfaction du patient monte en flèche. S’il se pense au centre du soin, ce qui est un peu plus agréable que de se sentir comme un clie… un patient à qui on a seulement cinq minutes à consacrer, le patient s’engage dans sa rééducation : l’efficacité s’amplifie.
Au contraire, un patient à qui on impose un traitement, aussi efficace soit-il et aussi génial sois-tu, aura le réflexe de résister, de douter… et donc de baisser les chances de réussite. Tout le monde a déjà ressenti ce sentiment, c’est humain ! Le fumeur qui souhaite arrêter la clope n’a qu’une envie, devant son pote qui lui sort “Tu fumes trop, mec, faut que t‘arrêtes” : s’en griller une autre, et peut-être gifler son copain.
Autre élément déterminant : l’aspect fonctionnel de l’expérience. Je ne parle pas du choix entre le Nordic Hamstring ou le sprint pour les ischios, mais plutôt de tout l’aspect pratique et terre à terre de la venue de ton patient dans ton cabinet.
Concrètement, si tu commences ton rendez-vous avec 20 minutes de retard, qu’il attend debout parce qu’il n’y a pas assez de chaises dans la salle d’attente, qu’il est collé à la porte de chiottes pas lavées depuis 2 semaines, et qu’en plus il va se prendre une amende parce qu’il s’est garé sur le trottoir, c’est évidemment cuit : tu peux lui proposer le meilleur traitement possible pour sa pathologie, il y a un grand risque d’échec… L’accessibilité des locaux, la propreté, le respect des horaires, le paiement… Toutes ces petites choses influencent directement le résultat final du traitement.
Conclusion
En guise de conclusion, tu as sans doute lu un gars plutôt centriste (Suisse, sûrement) tenter un “L’important, c’est que le patient n’ait plus mal”. Et bien non, pas vraiment. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le résultat final influence moins la satisfaction des patients que les éléments mentionnés plus tôt.
Cela signifie que si le patient passe un bon moment avec un professionnel à l’écoute et bienveillant, qu’il est impliqué dans le choix du traitement et que sa BMW toute neuve est bien garée, peu importe ce qu’il se passe après : il sera satisfait de sa visite dans ton cabinet.
Du coup, désolé, “la question elle n’est pas vite répondue” comme dirait un grand philosophe de ce monde. Les débats continueront de faire rage sur les internets, mais sans doute que le plus important est ailleurs. Comme autour d’un petit café avec ton patient pas en forme.
Allez, a tato.
Bibliographie
Salian, S. C., & Modi, R. (2015). Perspective of patient towards physiotherapy treatment recommended for their chronic musculoskeletal pain, in Mumbai, India. International Journal of Therapies and Rehabilitation Research, 4(1), 25.
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